L’automne en Amérique du Nord est une saison merveilleuse, l’air est si doux et les arbres se teintent de rouge, orange et autres couleurs féériques. Mais en Novembre, c’est déjà l’hiver. Le ciel est gris, les arbres nus, et à quatre heures de l’après-midi, c’est déjà la nuit. Finies les promenades sur Clark Street ou le long du lac, après une longue journée de travail.
Il paraît que c’est bientôt Thanksgiving… Quelle idée de fêter Thanksgiving, et d’abord, comment fête-t-on Thanksgiving? J’ai demandé et, paraît-il, fêter Thanksgiving consiste à se goinfrer de dinde rôtie, regarder un match de football américain, dormir, se réveiller et se goinfrer encore plus de dinde rôtie. Inutile de dire que je trouvais tout celà lamentable. Heureusement, une cousine qui habite en Californie m’invite à lui rendre visite; une visite qui tombait à point nommé, puisque c’est sous la neige que j’ai pris l’avion pour Los Angeles.
La Californie était exactement comme je l’avais toujours rêvée: une sorte d’oasis du bout du monde où il fait toujours beau et toujours chaud. Les autoroutes sont énormes, des palmiers filiformes s’élancent vers un ciel d’un bleu intense, et la mer _la vraie_ n’est jamais loin. Au lendemain de mon arrivée, nous avons pris la route pour Beverly Hills. Qui n’a jamais rêvé à l’évocation de cette petite cité au nom chargé de glamour et de richesse? Le luxe y est omniprésent sans être tapageur, et c’est à peine si l’on peut distinguer les nombreuses villas de stars, perchées sur les collines environnantes et dissimulées derrière des murailles de verdure. Rodéo Drive, l’artère principale dédiée aux grands noms de la mode, se veut parisienne ou milanaise avec ses pavés et ses balcons en fer forgé, mais n’est tout au mieux qu’un décor de cinéma en carton-pâte, certes soigné dans les moindres détails. On m’indique une bâtisse imposante de style Renaissance, le Beverly-Wilshire Hotel, qui a servi de cadre au film “Pretty Woman”.
L'on dira ce qu’on voudra, mais je ne retiens de la Cité des Anges que le spectacle décevant d’une ville sans âme peuplée de clochards hirsutes.
Hollywood… la capitale du cinéma semblait aux antipodes de sa voisine Beverly Hills. L’une tirée à quatre épingles, manucurée et rutilante, l’autre délabrée, décadente, presque usée par tant d’espoirs et d’ambitions. De modestes maisonnettes serpentent sur les collines, entre les palmiers. Je grimpe sur un sentier rocailleux pour prendre la traditionnelle photo devant le Sign, les énormes lettres blanches qui veillent sur le “bois sacré”. Mais c’est un peu plus bas, sur Hollywood Boulevard, que réside l’âme de la ville. Devant le Chinese Theatre, dont la façade exubérante s’orne de dragons et autres “chinoiseries” à la sauce hollywoodienne, les stars du cinéma ont, au fil des années, laissé leurs empreintes de mains et de pieds dans le ciment. Une foule de touristes ébahis se prend au jeu, place sa main dans celle de Clint Eastwood, et découvre que Marilyn avait des pieds minuscules… Un peu plus loin se trouve le Kodak Theatre, aussi théâtral mais plus épuré, loué chaque année et pour vingt ans par la ville à l’Académie des Arts et des Sciences du Cinéma, qui y organise la cérémonie des Oscars. Sur sa terrasse, surplombant boutiques et restaurants, deux statues géantes d’éléphants trônent en hommage au film “Intolerance” de D.W. Griffith; tourné en 1916, non loin d’ici. Une foule de touristes se fait prendre en photo avec les nombreux personnages costumés en pirates, Spiderman, Darth Vader et autres icônes populaires. Hollywood Boulevard, c’est aussi beaucoup de boutiques de souvenirs, des musés kitschs, mais surtout le Walk of Fame, qu’on a du mal à apprécier parce que les dorures des étoiles ont terni sous les pas des touristes, mais surtout parce que… parce qu’il faut bien regarder devant soin en marchant! La nuit tombe, l’avenue embouteillée brille de mille feux et ne désemplit pas.
De la journée du lendemain, je me souviens de Santa Monica, insouciante et nue, baignée de lumière, et surtout d’avoir remonté Pacific Coast Highway au coucher du soleil avec la soudaine et bizarre impression de se trouver tout au bout, à l’extrême ouest du continent américain, avec d’un côté les collines verdoyantes de Californie, et de l’autre l’immensité de l’océan Pacifique.
La soirée de Thanksgiving était certes l’occasion d’un repas copieux, mais surtout d’un renouvellement de foi dans le rêve américain, chez cette famille assyrienne de Mardine chez qui je me trouvais et qui avait fuit les persécutions pour trouver refuge à l’autre bout du monde, sous le soleil de Californie. Un exil doré comme en témoigne l’énorme villa perchée sur une colline surplombant la ville. Tant de gratitude se lisait sur les visages, que j’ai soudain réalisé toute l’importance de cette célébration, au-delà du botox, du collagène, des décolletés plongeants et des cols ouverts: si Mardine, du moins telle qu’ils l’avaient connue, était morte, perdue, bien que toujours vivante dans les esprits, la Californie restera à jamais terre d’asile, la dernière frontière. Car au delà il n’y avait plus rien, plus rien que l’océan et les étoiles. C’était celà Thanksgiving; c’était celà, le rêve américain.
Je suis retourné à Chicago au petit jour. Bien sûr il pleut; bien sûr il fait gris et froid, et la Californie est si loin déjà, comme dans un rêve; bien sûr on est si peu de choses, mais après tout on s’en fiche bien, car rien n’est parfait et c’est tant mieux; et la ville est là, énorme et puissante, et avec elle l’espoir que demain sera un jour meilleur.
Il paraît que c’est bientôt Thanksgiving… Quelle idée de fêter Thanksgiving, et d’abord, comment fête-t-on Thanksgiving? J’ai demandé et, paraît-il, fêter Thanksgiving consiste à se goinfrer de dinde rôtie, regarder un match de football américain, dormir, se réveiller et se goinfrer encore plus de dinde rôtie. Inutile de dire que je trouvais tout celà lamentable. Heureusement, une cousine qui habite en Californie m’invite à lui rendre visite; une visite qui tombait à point nommé, puisque c’est sous la neige que j’ai pris l’avion pour Los Angeles.
La Californie était exactement comme je l’avais toujours rêvée: une sorte d’oasis du bout du monde où il fait toujours beau et toujours chaud. Les autoroutes sont énormes, des palmiers filiformes s’élancent vers un ciel d’un bleu intense, et la mer _la vraie_ n’est jamais loin. Au lendemain de mon arrivée, nous avons pris la route pour Beverly Hills. Qui n’a jamais rêvé à l’évocation de cette petite cité au nom chargé de glamour et de richesse? Le luxe y est omniprésent sans être tapageur, et c’est à peine si l’on peut distinguer les nombreuses villas de stars, perchées sur les collines environnantes et dissimulées derrière des murailles de verdure. Rodéo Drive, l’artère principale dédiée aux grands noms de la mode, se veut parisienne ou milanaise avec ses pavés et ses balcons en fer forgé, mais n’est tout au mieux qu’un décor de cinéma en carton-pâte, certes soigné dans les moindres détails. On m’indique une bâtisse imposante de style Renaissance, le Beverly-Wilshire Hotel, qui a servi de cadre au film “Pretty Woman”.
L'on dira ce qu’on voudra, mais je ne retiens de la Cité des Anges que le spectacle décevant d’une ville sans âme peuplée de clochards hirsutes.
Hollywood… la capitale du cinéma semblait aux antipodes de sa voisine Beverly Hills. L’une tirée à quatre épingles, manucurée et rutilante, l’autre délabrée, décadente, presque usée par tant d’espoirs et d’ambitions. De modestes maisonnettes serpentent sur les collines, entre les palmiers. Je grimpe sur un sentier rocailleux pour prendre la traditionnelle photo devant le Sign, les énormes lettres blanches qui veillent sur le “bois sacré”. Mais c’est un peu plus bas, sur Hollywood Boulevard, que réside l’âme de la ville. Devant le Chinese Theatre, dont la façade exubérante s’orne de dragons et autres “chinoiseries” à la sauce hollywoodienne, les stars du cinéma ont, au fil des années, laissé leurs empreintes de mains et de pieds dans le ciment. Une foule de touristes ébahis se prend au jeu, place sa main dans celle de Clint Eastwood, et découvre que Marilyn avait des pieds minuscules… Un peu plus loin se trouve le Kodak Theatre, aussi théâtral mais plus épuré, loué chaque année et pour vingt ans par la ville à l’Académie des Arts et des Sciences du Cinéma, qui y organise la cérémonie des Oscars. Sur sa terrasse, surplombant boutiques et restaurants, deux statues géantes d’éléphants trônent en hommage au film “Intolerance” de D.W. Griffith; tourné en 1916, non loin d’ici. Une foule de touristes se fait prendre en photo avec les nombreux personnages costumés en pirates, Spiderman, Darth Vader et autres icônes populaires. Hollywood Boulevard, c’est aussi beaucoup de boutiques de souvenirs, des musés kitschs, mais surtout le Walk of Fame, qu’on a du mal à apprécier parce que les dorures des étoiles ont terni sous les pas des touristes, mais surtout parce que… parce qu’il faut bien regarder devant soin en marchant! La nuit tombe, l’avenue embouteillée brille de mille feux et ne désemplit pas.
De la journée du lendemain, je me souviens de Santa Monica, insouciante et nue, baignée de lumière, et surtout d’avoir remonté Pacific Coast Highway au coucher du soleil avec la soudaine et bizarre impression de se trouver tout au bout, à l’extrême ouest du continent américain, avec d’un côté les collines verdoyantes de Californie, et de l’autre l’immensité de l’océan Pacifique.
La soirée de Thanksgiving était certes l’occasion d’un repas copieux, mais surtout d’un renouvellement de foi dans le rêve américain, chez cette famille assyrienne de Mardine chez qui je me trouvais et qui avait fuit les persécutions pour trouver refuge à l’autre bout du monde, sous le soleil de Californie. Un exil doré comme en témoigne l’énorme villa perchée sur une colline surplombant la ville. Tant de gratitude se lisait sur les visages, que j’ai soudain réalisé toute l’importance de cette célébration, au-delà du botox, du collagène, des décolletés plongeants et des cols ouverts: si Mardine, du moins telle qu’ils l’avaient connue, était morte, perdue, bien que toujours vivante dans les esprits, la Californie restera à jamais terre d’asile, la dernière frontière. Car au delà il n’y avait plus rien, plus rien que l’océan et les étoiles. C’était celà Thanksgiving; c’était celà, le rêve américain.
Je suis retourné à Chicago au petit jour. Bien sûr il pleut; bien sûr il fait gris et froid, et la Californie est si loin déjà, comme dans un rêve; bien sûr on est si peu de choses, mais après tout on s’en fiche bien, car rien n’est parfait et c’est tant mieux; et la ville est là, énorme et puissante, et avec elle l’espoir que demain sera un jour meilleur.